Syndicat national de l'édition

Numérique

Accessibilité des livres pour les personnes empêchées de lire

Que ce soit par l’intermédiaire de la loi ou par des initiatives spontanées des éditeurs, plusieurs mécanismes existent permettant aux personnes empêchées de lire (du fait d’un handicap ou d’une incapacité liée à l’âge ou toute autre limitation des performances du corps humain, permanente ou temporaire) d’avoir accès à la lecture de livres adaptés ou nativement accessibles.

Une précision sémantique s’impose au préalable : on parle de « livre adapté » quand un livre publié par un éditeur sous format papier et/ou numérique est adapté par un organisme spécialisé pour des personnes empêchées de lire (adaptation réalisée souvent pour un handicap spécifique) dans le cadre de l’exception Handicap. On parle en revanche de « livre nativement accessible » quand un livre est, dès sa publication sous format numérique par l’éditeur, accessible à des personnes empêchées de lire (sans avoir été adapté par un organisme spécialisé).

Au niveau français

Livres adaptés et exception en faveur des personnes handicapées

La loi DADVSI, du 1er août 2006, a introduit une exception au droit d’auteur en faveur des personnes handicapées (à l’article L.122-5 7° du Code de la propriété intellectuelle). Ses conditions de mise en œuvre ont été révisées dernièrement par la loi n° 2016-925, du 7 juillet 2016, relative à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine, puis par la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

Cette exception permet à des organismes à but non lucratif – personnes morales ou établissements figurant sur une liste arrêtée conjointement par les ministres chargés de la culture et des personnes handicapées – de réaliser et de communiquer aux personnes en situation de handicap des versions adaptées des œuvres sans avoir ni à demander d’autorisation préalable aux titulaires des droits et droits voisins (auteurs, éditeurs, producteurs, interprètes, etc.) ni à les rémunérer.

Cette exception est réservée aux cas où il n’existe pas d’édition commerciale répondant au besoin du bénéficiaire de l’exception. La consultation de ces versions adaptées est strictement personnelle et réservée aux bénéficiaires de l’exception. Toute personne atteinte d’une ou de plusieurs déficiences des fonctions motrices, physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, y compris les publics « Dys », peut demander aux organismes compétents l’accès à une version adaptée d’une œuvre dès lors que cette œuvre n’existe pas dans un format adapté à son type de handicap.

Pour en savoir plus sur l’exception en faveur des personnes handicapées

Cette exception est amenée à perdurer, en complétant les nouvelles obligations issues de la Directive Accessibilité.

Vers la production de livres numériques nativement accessibles

La Directive européenne relative à l’accessibilité des biens et des services a été adoptée par le Conseil le 8 avril 2019. Son objectif est d’harmoniser les exigences en matière d’accessibilité applicables à certains produits et services clés. Sont concernés les livres numériques, mais également les logiciels leur étant dédiés, les sites Internet et les lecteurs de livres numériques.

Ce texte européen a été transposé en droit français par la loi n°2023-171 du 9 mars 2023 (au sein de son article 16 II 2°) et ses textes d’application, le décret n°2023-778 et son arrêté du 14 août 2023, lesquels reprennent pour l’essentiel les dispositions de la Directive (qu’il s’agisse de son champ d’application, sa date d’entrée en vigueur en deux temps, ainsi que les obligations des acteurs concernés ou encore les cas d’exemption invocables)

Le champ des personnes visées par la Directive est plus large que l’exception en faveur des personnes handicapées puisqu’elle concerne également les personnes présentant une incapacité liée à l’âge ou toute autre limitation des performances du corps humain, permanente ou temporaire.

S’agissant des livres numériques, la loi de transposition précise que sont concernés les seuls livres numériques homothétiques (donc hors livres audio) qui répondent à la définition de la loi du 26 mai 2011 sur le prix unique des livres numériques et de son décret d’application.

Pour être considérés comme accessibles, les livres numériques devront répondre aux critères suivants, définis dans la Directive européenne :

  • veiller à ce qu’un livre numérique contenant des éléments audio en plus du texte fournisse des contenus textuels et audio synchronisés ;
  • veiller à ce que les fichiers numériques n’empêchent pas les technologies d’assistance de fonctionner correctement ;
  • garantir l’accès au contenu, la navigation dans le contenu et dans la mise en page du fichier, y compris la mise en page dynamique, la mise à disposition de la structure du fichier, la flexibilité et le choix de la présentation du contenu ;
  • permettre des restitutions alternatives du contenu et son interopérabilité avec diverses technologies d’assistance, de manière à ce qu’il soit perceptible, utilisable, compréhensible et robuste ;
  • permettre la découverte en fournissant des informations, via les métadonnées, sur les caractéristiques d’accessibilité ;
  • s’assurer que les mesures de gestion des droits numériques ne bloquent pas les caractéristiques d’accessibilité ;
  • fournir des informations sur le fonctionnement du service et sur son lien avec les produits éventuellement utilisés pour le fournir, ainsi que des informations sur leurs caractéristiques en matière d’accessibilité et sur leur interopérabilité avec des dispositifs et fonctionnalités d’assistance ;
  • le cas échéant, veiller à ce que les services d’assistance (services d’aide, centres d’appel, assistance technique, services de relais et services de formation) fournissent des informations sur l’accessibilité du service et sur sa compatibilité avec les technologies d’assistance, via des modes de communication accessibles.

 

L’ARCOM sera l’autorité chargée du respect de ces exigences d’accessibilité pour le livre numérique. Elle pourra sanctionner un éditeur ne respectant pas ces obligations par une contravention de 5e classe (pouvant aller jusqu’à 7.500 euros d’amende par infraction constatée pour les personnes morales).

Les livres numériques et logiciels spécialisés mis sur le marché à compter du 28 juin 2025 devront être nativement accessibles à cette date, c’est-à-dire respecter l’ensemble des obligations rappelées ci-dessus.

Un délai est accordé aux éditeurs jusqu’au 28 juin 2030 pour rendre accessibles les livres numériques du fonds.

La Directive prévoit deux types d’exemptions au respect de ces exigences d’accessibilité pour les livres numériques, à savoir :

  • Si la mise en accessibilité d’un livre numérique exige une modification significative du livre entraînant une modification fondamentale de la nature de celui-ci ;
  • Si la mise en accessibilité d’un livre numérique impose une charge disproportionnée à l’éditeur.

Aux fins de justifier d’une de ses exemptions pour un livre, l’éditeur devra réaliser une évaluation qui devra être renouvelée tous les 5 ans, ou à l’occasion d’une modification du livre numérique, ou sur demande de l’ARCOM.

Pour en savoir plus sur la Directive Accessibilité et sa mise en œuvre pratique

Dans ce cadre, le ministère de la Culture a mis en place un comité de pilotage pour préparer le secteur du livre à la commercialisation de livres numériques répondant aux exigences d’accessibilité.

Ce comité de pilotage a adopté un plan stratégique qui décline douze orientations à suivre pour garantir une évolution coordonnée de tous les acteurs de la chaîne du livre vers l’accessibilité.

La rentrée littéraire accessible

Allant au-delà de la simple réponse aux demandes dans le cadre de l’exception légale, les éditeurs de littérature ont pris l’initiative depuis 2013 de mettre à disposition des personnes empêchées de lire une grande partie des titres de la rentrée littéraire en format accessible. Grâce à l’appel lancé par le SNE et au soutien actif du CNL, 3 750 titres de la rentrée littéraire ont ainsi été adaptés depuis 2013.

Chaque année, ce sont plus de 400 romans de la rentrée littéraire, dont environ 60 titres jeunesse et 80 % des romans sélectionnés sur les listes de grands prix littéraires qui sont ainsi proposés en format directement adapté aux personnes empêchées de lire.

Techniquement, les éditeurs de littérature transmettent les fichiers XML ou EPUB des livres de la rentrée littéraire sur la plateforme Platon avant parution. Les associations agréées partenaires de l’opération (telles que l’Association Valentin Haüy, l’apiDV, l’Institut National des Jeunes Aveugles, Lisy, etc.) convertissent durant la période estivale les fichiers au format accessible Daisy et les reversent sur la plateforme Platon. Le format Daisy propose des fonctionnalités spécifiques telles que la conversion du texte en voix, l’indexation et la navigation au sein d’un fichier.

Cette initiative, qui a vocation à être reconduite et élargie, permet aux personnes empêchées de lire de bénéficier des romans dès leur sortie, en anticipant sur la procédure légale.

Pour plus d’informations, contactez Clémentine Guinebert, chargée de mission numérique au SNE : courrier-sne@sne.fr.

Pour en savoir plus : L’opération « Rentrée littéraire pour tous » fête ses 10 ans.

 

Au niveau international et européen

Contexte

Le 30 septembre 2016, est entré en vigueur le Traité de Marrakech de 2013 de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI) sur l’exception « handicapés ». Il permet l’adaptation des œuvres pour les besoins des handicapés ainsi que les échanges transfrontaliers de ces œuvres adaptées sans l’autorisation des ayants droit.

Par ailleurs l’OMPI a établi en 2009 une plateforme de dialogue entre les ayants droit et les malvoyants, gérée par l’Union Internationale des Editeurs (UIE), afin de lancer des expérimentations. Il s’agit du projet TIGAR (Trusted intermediary global accessible resources) qui réunit les représentants des éditeurs, des auteurs, des handicapés visuels et les sociétés de gestion collective de l’écrit.

Il convient de noter qu’au niveau européen, la FEE et l’Association européenne des aveugles (European Blind Union/ EBU) avaient déjà signé le 14 septembre 2010 un protocole d’accord sur les échanges transfrontaliers d’œuvres adaptées.

L’objectif de ces actions basées sur le principe d’autorisation préalable est de faciliter ces échanges en mettant en place un réseau d’intermédiaires de confiance accrédités qui apporteraient des garanties aux éditeurs (vérification du taux de handicap, obligations en termes de sécurisation des fichiers, reporting régulier aux éditeurs, etc.).

Transposition au niveau européen du Traité de Marrakech

Le 13 septembre 2017, les institutions européennes ont adopté une directive transposant le Traité de Marrakech sur l’exception « handicapés » et les échanges transfrontaliers d’œuvres adaptées au sein du Marché Intérieur, ainsi qu’un règlement transposant ce Traité pour les échanges entre l’Union Européenne et les pays tiers. Le 1er octobre 2018, l’UE a ratifié le Traité de Marrakech. Le règlement est entré en vigueur le 12 octobre 2018.

La loi n°2018-771 du 5 septembre 2018 a mis en conformité le droit français à ses textes européens, en modifiant notamment les articles du Code de la propriété intellectuelle relatifs à l’exception Handicap.

La participation des éditeurs français au projet Tigar

Au sein de l’OMPI, le dialogue avec les ayants droit et les handicapés visuels au sujet de la circulation transfrontalière des œuvres adaptées se poursuit. Cette plateforme désormais intitulée ABC (« Accessible Book Consortium »/ Consortium des Livres Accessibles) se concentre sur trois axes de travail :

1. Projet Tigar

Le projet TIGAR vise à permettre l’échange sur un mode volontaire d’œuvres déjà adaptées en Braille ou en Daisy entre des intermédiaires de confiance de type l’association Valentin Haüy ou BrailleNet, dont la participation est entérinée par les éditeurs, et dans un cadre sécurisé. Dans ce contexte, le Bureau du SNE du 4 mai 2011 a donné son aval en vue d’une participation des maisons d’édition françaises à TIGAR.

Côté groupes et maisons d’édition, Albin Michel, Editis, Gallimard, Hachette Livre, Liana Levi, La Martinière, Média-Participations, Les Editions de Minuit et Quae ont été les premiers signataires dès septembre 2011.

Grâce à cette forte mobilisation française, les intermédiaires de confiance francophones Braillenet, l’association Valentin Haüy, Canadian National Institute for the Blind (CNIB) et l’association pour le Bien des Aveugles peuvent mettre à la disposition de leurs homologues un riche catalogue d’œuvres françaises adaptées, au profit d’handicapés visuels au niveau européen et international.

Depuis le 13 avril 2021, le projet TIGAR est ainsi devenu le « Service mondial d’échange de livres de l’ABC » (https://www.accessiblebooksconsortium.org/fr/globalbooks). Ce service propose plus de 820 000 ouvrages dans 80 langues différentes. 99 organisations de 76 pays différents en sont adhérentes (via l’Association Valentin Haüy/ AVH et l’apiDV pour la France). Le service de l’ABC permet également la centralisation des demandes d’autorisation dans les pays qui n’ont pas ratifié le Traité de Marrakech.

  • Participation de 16 intermédiaires de confiance (en Australie, au Bangladesh, au Brésil, au Canada, au Danemark, en France via l’Association Valentin Haüy/ AVH, en Finlande, en Irlande, en Islande, en Nouvelle-Zélande, en Norvège, en Afrique du Sud, en Suède, en Suisse, aux Etats-Unis et aux Pays-Bas) et de 45 ayants droit (éditeurs, sociétés de gestion collective, associations d’auteurs).
  • Recensement de 319.000 titres (dans 55 langues différentes) déjà adaptés
  • Réflexion sur la mise en place des solutions de gestion collective afin d’accélérer les autorisations.
  • Mise à l’étude de la circulation transfrontalière des fichiers sources.

Aujourd’hui, la participation à TIGAR / ABC garde toute sa raison d’être pour les éditeurs français, en permettant la poursuite des échanges avec les pays n’ayant pas encore ratifié le  Traité et en fournissant un cadre de référence pour les entités autorisées françaises, canadiennes et suisses qui pourront notamment identifier les œuvres déjà adaptées à l’étranger par les autres entités partenaires et, à terme, les œuvres nativement accessibles et disponibles dans le commerce  . En effet, il représente la seule base de données permettant aux 16 associations membres de savoir si et par qui une œuvre a déjà été adaptée et de télécharger ces œuvres de manière transfrontalière et sécurisée.

Le Syndicat national de l’édition appelle donc les éditeurs à continuer à accorder ces autorisations à l’OMPI.

2. Promotion et formation à l’édition « nativement accessible » :

  • Promotion de l’ePUB 3
  • Identification des lacunes de la chaîne du livre pour mettre en place un marché pleinement accessible.
  • Proposition d’une « charte de l’édition accessible » à signer par les éditeurs

3. « Capacity Building » (Aide à la mise en place d’intermédiaires de confiance et formation des éditeurs et des administrations dans les pays en voie de développement)

  • Objectif de contacter de nouveaux intermédiaires de confiance dans des pays en développement relevant de bassins linguistiques importants

 

 

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