Syndicat national de l'édition

  • Mot du Président

Discours de Vincent Montagne, Président, à l’occasion de l’Assemblée générale du SNE 2021

L’Assemblée générale 2021 du Syndicat national de l’édition s’est tenue jeudi 24 juin 2021 en visio-conférence. 
À cette occasion, Vincent Montagne, Président du SNE, a prononcé le discours suivant :

« Arrivés au terme de notre Assemblée générale, il me revient, comme chaque année, le plaisir de clore cette rencontre. 

Merci à tous les intervenants. La richesse et la diversité des exposés nous rappelle que le SNE est par essence la synthèse d’engagements d’hommes et de femmes déterminés à réussir collectivement. 

Cet engagement, c’est d’abord celui des membres du bureau : Liana Levi, vice-présidente, Renaud Lefebvre, trésorier, Michèle Benbunan, Alban Cerisier, Louis Delas, Francis Esménard, Antoine Gallimard, Nathalie Jouven, Laure Leroy, Pierre Leroy, Françoise Nyssen et Jean Spiri.

Un Bureau qui représente la diversité des entreprises de l’édition, un bureau qui définit la stratégie et bâtit notre action pour défendre les intérêts, de notre profession bien sûr, mais plus largement du livre, et de sa place dans notre société.

Cet engagement, c’est aussi celui des Présidents de groupes et commissions, que Pierre Dutilleul a mentionnés tout à l’heure. A leurs côtés, l’ensemble des membres qui se réunissent régulièrement, chacun donnant généreusement de son temps, pour saisir les mutations de notre industrie, apporter des conseils à tous nos collègues et initier des actions collectives.

Et je n’oublie pas l’engagement des permanents du syndicat, conduits par Pierre, qui déploient sans compter leur énergie et leur savoir-faire, au service de notre profession.

Lamartine disait, « l’homme collectif est né pour ses semblables ». Je dirais volontiers que chacun, par ses compétences et sa personnalité unique contribue à enrichir le collectif. En relisant le rapport d’activité pour préparer mon intervention, j’ai vraiment le sentiment que le Syndicat des éditeurs, dont nous fêterons les 150 ans dans trois ans, a sans relâche œuvré pour que nos métiers et le livre soient reconnus comme essentiels dans notre société, et relève de cette puissance indispensable du collectif.

Une puissance qui vient d’être soumise à rude épreuve avec la crise sanitaire.

Certes, avec les confinements successifs, nous sommes tous devenus beaucoup plus agiles. Mais nous avons aussi fait l’expérience, douloureuse, du repli et de l’isolement.

Internet est un fabuleux outil qui réduit la distance géographique et contracte le temps, mais aucune magnitude virtuelle ne pourra se substituer aux contacts humains, aux émotions et aux moments partagés entre nous, avec nos collaborateurs, avec les auteurs, avec nos partenaires.  

Il est grand temps de redécouvrir le plaisir d’être ensemble, de se voir, en vrai, et de retrouver cette proximité qui est constitutive de nos métiers !

En 2020, malgré l’éloignement physique, malgré une crise sanitaire, économique, sociale, environnementale sans précédent, notre secteur n’a pas démérité !

Les chiffres que nous publions aujourd’hui témoignent en effet d’une exceptionnelle capacité de résilience du livre, tant dans les ventes, que dans la production éditoriale. C’est un fait : en l’absence des théâtres, cinémas, concerts, festivals ou spectacles, le livre a été l’un des seuls produits culturels accessibles.

Le chiffre d’affaires de notre secteur est en baisse de 2,3%. Une baisse bien moins importante que ce que l’on pouvait craindre à la sortie du premier confinement, en mars 2020. 

Une baisse limitée. Un résultat encourageant. Mais qui ne reflète que partiellement nos réalités.

Je l’ai dit à l’occasion de la cérémonie des vœux, je l’ai dit devant les parlementaires, ce chiffre ne rend pas compte des fortes variations de notre activité tout au long de l’année ; des variations qui ont été difficiles à gérer pour nous, dirigeants de petites, moyennes ou grandes entreprises.

Il ne reflète pas non plus la grande disparité de situation selon les segments éditoriaux que nous représentons. Si certains secteurs résistent plutôt bien, tels le manga (+29%), le parascolaire (+ 4%), la jeunesse (+1%), d’autres secteurs connaissent une baisse beaucoup plus importante, notamment le secteur de l’art et des beaux livres (-36%) ou du tourisme (-59%). 

Ces chiffres ne disent pas non plus la concentration des ventes qui s’est accentuée sur les titres emblématiques ou sur les « classiques ». Au détriment de la diversité éditoriale qui fait la richesse de l’édition française. Au détriment aussi des auteurs, des illustrateurs, des dessinateurs pour lesquels l’impact économique, social et psychologique de cette crise est violent, malgré les aides de l’Etat.     

Néanmoins, ce résultat nous dit aussi, que dans cette période de crise inédite, notre industrie a résisté. 

Elle a résisté en dépensant moins, certainement. Les annulations des salons et des manifestations de promotion du livre et de la lecture ainsi que le budget consacré par les éditeurs, à la promotion des ouvrages et des auteurs, et non dépensé cette année, faute d’événements, ont sans nul doute permis de compenser une partie des pertes des maisons.

Mais notre industrie a résisté surtout grâce à nos lecteurs qui, tout au long de l’année, ont manifesté un soutien sans faille au livre, à la lecture …et à leurs libraires… De nombreux citoyens se sont mobilisés pour défendre le livre, son caractère vital et essentiel. Nous leur devons beaucoup.

Notre industrie a résisté aussi grâce à l’agilité dont nous avons tous su faire preuve, dans nos maisons et chez les libraires.

Elle a résisté enfin grâce à la solidarité exceptionnelle de l’ensemble des acteurs de la chaîne du livre, auteurs, éditeurs, libraires, qui tous ont marché sous un même étendard et avec une même détermination.

Et notre mobilisation a porté ses fruits. Plan d’urgence, puis plan de relance, voulus dès le départ par le ministère de la Culture et portés par le CNL pour tous les acteurs, mais négociés âprement avec le gouvernement au plus haut niveau ont permis aux plus fragiles d’entre nous de résister.

Et enfin, en février 2021, la reconnaissance de la librairie comme un commerce essentiel est venue couronner notre engagement collectif. Au-delà de la librairie, c’est le livre lui-même qui est alors reconnu comme essentiel. En ce 40ème anniversaire de la loi sur le prix unique du livre, c’est une victoire pour le monde du livre et de l’édition mais aussi pour la culture et sa place dans nos vies.

Le livre reconnu comme un bien essentiel est une grande victoire !  Mais elle ne doit pas masquer les fragilités de notre secteur, ni les défis économiques, sociaux, environnementaux, sociétaux que nous devons relever.

Quelles seront les prochaines échéances ?

Premier enjeu : poursuivre un dialogue constructif et juste avec les auteurs :

La relation « éditeur et auteur » a toujours été et sera toujours un des piliers de la filière du livre. Peut-être même son socle. C’est ma conviction.

Il faut continuer à œuvrer pour préserver la qualité de ce partenariat fondamental dont dépend la réussite de la chaîne du livre.

En 2014, nous avons signé avec le Conseil permanent des écrivains (CPE) un accord historique sur le contrat d’édition à l’ère du numérique. Jamais les relations Auteurs/ Editeurs n’avaient été à ce point revisitées depuis la loi de 1957. Ce contrat a été le résultat dune intense négociation.

Au-delà des avancées réelles qu’il a apportées pour les auteurs, il peut être complété, amélioré. C’est l’enjeu des discussions en cours, conduites, sous l’égide du ministère de la Culture par Professeur Pierre Sirinelli et dont la première réunion s’est tenue le 15 juin dernier.

Nos auteurs souhaiteraient notamment des redditions de comptes plus fréquentes ou plus claires à lire. Ils ont besoin de toujours plus de transparence dans le suivi de la vie d’un livre (cessions de droit à l’étranger, adaptation…). C’est parfois déjà le cas, mais la complexité grandissante des contrats et du droit se reflète souvent dans ces redditions. La technologie le permet. Les financements, nous les trouverons. Et la volonté, nous l’avons. Avant la fin de l’année, en partenariat avec GfK, nous mettrons en place un système de booktracking.

Ce nouvel outil, permettra dans un premier temps aux auteurs d’avoir accès à une source interprofessionnelle neutre d’information sur les ventes de leurs ouvrages. Une seconde étape de développement, plus complexe à mettre en œuvre, associera toute la chaîne du livre et en particulier les libraires afin d’obtenir des informations sur les ventes de plus en plus précises.

Mais la relation auteur-éditeur ne se résume pas à la mise en place d’outils. Un contrat repose aussi sur la confiance et la reconnaissance mutuelles.

Il n’y a pas d’un côté le créateur et de l’autre, l’acteur subalterne de l’aval…

Chacun sait que l’éditeur qui prend le risque financier de publier. C’est lui qui fixe le prix du livre. C’est lui qui porte la transformation numérique de toute l’industrie du livre. C’est lui qui souvent est à l’origine d’un nouveau projet et ensuite qui permet à l’ouvrage d’être adapté en film, en série, en jeu vidéo… c’est lui qui offre au livre ses multiples vies, par l’étendue de son réseau et son engagement personnel.

La réalité que c’est que la marge de l’éditeur est très faible. Louis Delas l’exposait lors du débat organisé en début d’année à l’occasion de la publication du baromètre des relations auteur/éditeurs de la SCAM : la marge de l’éditeur avant frais de structures est plus ou moins la même dans tous les domaines : de l’ordre de 10 à 12%. Une fois déduits les frais de structure, la marge moyenne est minime.

La réalité c’est que l’économie de l’édition repose sur un équilibre subtil : les titres qui marchent financent les autres.

La réalité c’est enfin que c’est le lecteur qui a le dernier mot. C’est lui par exemple qui choisit aujourd’hui de se tourner vers les mangas, plutôt que vers le roman graphique. Et refuser de le voir serait une erreur majeure.

Imposer une rémunération de la création au temps de travail ; imposer un pourcentage minimum de rémunération ; fonctionnariser le métier d’auteur… ou pour le dire autrement, penser à administrer la création est utopique et traduit une méconnaissance totale des réalités économiques de notre secteur. Ce serait pour l’auteur un contresens historique, politique et social.

Editeurs et auteurs, dans le respect du contrat qui les unit, sont le socle de la filière du livre, je le disais. Ensemble, tous les acteurs économiques de la création doivent œuvrer à créer de la valeur. A créer tout simplement, une édition plurielle, une édition libre. Faute de quoi, nous disparaîtrons au profit d’une édition normative et normée, appauvrie, bien-pensante et frileuse, sans capacité de rupture créatrice. 

C’est un enjeu de société. Il est de notre rôle, au sein du SNE, de le rappeler.

De même qu’il est de notre rôle de défendre le droit d’auteur, menacé encore et toujours au niveau européen ; menacé par la toute-puissance des plateformes de ventes en ligne, menacé par le piratage. 

Défendre également la liberté d’expression et de publication. Indissociables, elles sont les deux faces d’une même liberté, fondamentale, et fondatrice de notre lien social.

Là encore, sans la prise de risque de l’éditeur aux côtés de l’auteur, quelle liberté ?

A l’opposé des régimes totalitaires ou populistes, nos sociétés démocratiques sont capables d’accueillir la complexité, la nuance, la contradiction, le débat… Les livres, tous les livres, dans leur diversité de formes, de genres, de contenus, dans le respect du droit évidemment, doivent pouvoir être publiés.

La diversité éditoriale dont les éditeurs sont les artisans, humblement, et les garants est la meilleure digue contre le terrorisme intellectuel et moral. 

Autre enjeu, celui du développement durable. Les livres jouent un rôle majeur dans la prise de conscience écologique. Et l’empreinte environnementale de l’objet livre doit être au cœur de nos priorités.

En signant le pacte des éditeurs de l’ONU, nous avons pris des engagements. Nous les respecterons ! Et c’est une première étape. Pascal Lenoir l’a rappelé. Nous finalisons une charte environnementale et souhaitons agir de concert avec les acteurs de la chaîne du livre, tous concernés par ces enjeux, pour une meilleure prise en compte du développement durable dans l’industrie du livre et construire une stratégie mêlant respect, responsabilité et innovation. 

Enfin, nous aurons à cœur de traiter avec beaucoup de vigilance et de finesse les questions de risques de harcèlement et de violences dans l’édition de livres.

Il est évidemment essentiel que chaque entreprise assume ses responsabilités et adopte toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger ses collaborateurs… Et cela dans tous les domaines, discrimination, égalité entre les femmes et hommes…

Il n’en reste pas moins que le SNE, en tant que représentant de la profession, a un rôle important à jouer dans la recherche de l’exemplarité. Car ce qui est en jeu, c’est le respect que nous devons à chaque personne. 

Sur tous ces sujets, vous serez informés, mais également associés et consultés.

Nous avons, cette année, entamé avec Pierre Dutilleul et les membres du Bureau, un travail de fond sur le fonctionnement, le financement et lorganisation du SNE. Nous voulons centrer nos actions sur vos priorités. Cette année si particulière ne nous a pas offert le temps de traduire concrètement la volonté forte que nous avons de mieux organiser la représentation et la participation de ce que nous appelons « la petite édition », et qui représente 80% de nos membres. Nous reprenons ces travaux et nous réunirons à la rentrée pour renforcer et valoriser au mieux l’implication de nos membres, présents et importants sur tout le territoire. C’est un engagement ferme que je prends auprès de vous.

Enfin, je ne voudrais pas conclure mon intervention sans évoquer un sujet, LE sujet, qui transcende tous les autres. Notre raison d’être. Le livre. Et avec lui le bonheur, le trésor de la lecture.

Le Président de la République l’a annoncé la semaine dernière : la lecture sera la prochaine grande cause nationale de l’été 2021 à l’été 2022. C’est une magnifique nouvelle pour le livre et l’édition et une belle victoire pour le SNE qui porte cette demande au plus haut niveau depuis des mois. L’ambition est grande : pendant un an, mettre la lecture au cœur de la vie de tous les Français en portant une attention particulière aux plus jeunes et à celles et ceux qui en sont éloignés ou privés.

Après un an d’une crise qui a bouleversé nos vies mais dans laquelle le livre a préservé sa place, faire de la lecture une grande cause nationale est un message très fort. Nous serons au rendez-vous.     

Et nous ne pouvons pas nous limiter à une réflexion hexagonale. Je vous invite à élargir encore notre action, individuelle et collective, au service du rayonnement de la langue française et du développement d’une dynamique francophone. Dans ce nouveau contexte, une participation active aux États généraux du livre en langue française dans le monde qui se tiendront à Tunis les 23 et 24 septembre prochains prend toute sa place.

“Le monde est fait pour aboutir à un beau livre” nous dit Stéphane Mallarmé. C’est un devoir et une fierté pour le SNE d’y contribuer concrètement en prenant une part active dans la promotion, la valorisation et le rayonnement du livre et de la lecture

Les Petits champions de la lecture, notre grand jeu national de lecture à voix haute, créé en 2012 et présidé par Antoine Gallimard, en est une belle illustration. Sa reconnaissance depuis plusieurs années par le ministère de l’Education nationale et du ministère de la Culture, le soutien appuyé de très nombreux partenaires publics et privés, en témoignent. Nous allons poursuivre son développement.

Le salon du livre a également été longtemps un de nos meilleurs atouts pour promouvoir et faire rayonner le livre et la lecture. La pandémie nous a privé, deux années de suite, de ce moment exceptionnel de rencontre avec le public. Ce mois-ci, le contrat avec Reed Expositions a pris fin. 

Il est temps d’écrire une nouvelle page et de renouer avec le sens de la fête. C’est pourquoi, 40 ans après la première édition du Salon du livre, en cette année de célébration de la loi sur le prix unique, en cette année de lecture, grande cause nationale, nous allons créer une nouvelle « fête du livre », un festival de tous les livres.

Après des mois de travail, de réflexion, de concertation avec les éditeurs, petits et grands, le projet sous la responsabilité directe du Syndicat, est mûr désormais. Fête de toute l’interprofession, il réunira aussi d’autres univers de la création. Durant 3 jours, du 21 au 24 avril 2022, à partir d’un noyau central parisien, le Grand Palais, ce nouveau festival investira Paris, sa proche couronne et demain la France entière.

Auteurs, éditeurs, libraires, célèbreront les livres et la lecture sous toutes ses formes. Cinéastes, comédiens, plasticiens, musiciens… participeront aussi à cette grande fête de la culture.

Cette fête du livre, nourrie d’une ambition nouvelle et ouverte sur les autres univers culturels, veut remettre en avant le rôle souvent fondateur du livre dans l’acte de création. Il sera un signal fort de renaissance, envoyé à la fois à la profession, qui y retrouvera un rendez-vous incontournable, et au public amoureux de livre, de lecture et de culture. Nous nous réunirons tous ensemble à la rentrée sur le sujet, autour des artisans de ce nouvel écrin pour le Livre.

Le livre a, depuis l’origine, traversé bien des crises. Il a connu toutes les évolutions, toutes les révolutions. Grâce à notre engagement, notre solidarité, nous saurons sortir de cette crise sanitaire et, ensemble, accompagner la construction de l’après… portés par l’enthousiasme de nos lecteurs et le formidable espoir qu’il nous donne…

Merci à vous toutes et tous, qui vous engagez au quotidien pour défendre le livre et ses valeurs d’ouverture au monde, de diversité, et comme le disait Julien Green, des fenêtres qui s’ouvrent grand et par lesquelles on s’évade… après ces temps troublés et confinés, c’est bien d’évasion dont le monde a besoin.

Je vous remercie. » 

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