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Tribune – Sciences : « Enrichir Microsoft, Meta ou Google au détriment des éditeurs privés serait une erreur » par Vincent Montagne

Tribune publiée dans Le Monde le 20 avril 2023.

« À l’heure où les moteurs de recherche des géants du numérique américains et chinois Microsoft, Google et Baidu intègrent les intelligences artificielles (IA) génératives ChatGPT 4, Bard et Ernie, les éditeurs ne peuvent que s’inquiéter. Fort heureusement, la plupart des ouvrages édités ne sont pas disponibles sur Internet libres de droit.

Mais la question se pose pour l’édition scientifique, source précieuse du savoir et de la connaissance, qui promeut l’ « open access », depuis l’adoption de la loi Lemaire de 2016 [Axelle Lemaire, secrétaire d’Etat chargée du numérique de 2014 à 2017]. Ce texte garantit aux chercheurs, lorsqu’ils sont financés majoritairement par des fonds publics, de mettre à disposition gratuitement et à des fins non commerciales leurs publications, une fois écoulé un délai de six mois dans le domaine des sciences techniques et médicales et de douze mois pour les sciences humaines et sociales.

Aujourd’hui au nom d’une vision dogmatique, des organismes de recherche comme le CNRS et le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation encouragent les chercheurs à ne pas signer de contrats avec des éditeurs afin de pouvoir les publier immédiatement en accès ouvert.

Rôle novateur

Cette position ambitionne de promouvoir la diffusion le plus large possible des publications scientifiques. Mais elle suppose, en contrepartie, la prise en charge financière de l’édition par les organismes publics. Autrement dit, l’on risque d’aller vers une étatisation de l’édition scientifique, écartant volontairement les éditeurs privés.

Ce serait faire trois erreurs dommageables pour l’avenir même de la diffusion des connaissances scientifiques.

La première serait de méconnaître le rôle remarquablement novateur des éditeurs privés. Ces derniers œuvrent à la promotion de ces publications non seulement auprès de la communauté scientifique, mais aussi d’un public plus large dans la grande tradition des éditeurs de sciences humaines et sociales.

Si hier des éditeurs privés ont fait connaître des chercheurs de renom comme Claude Lévi-Strauss (1908-2009) ou Georges Duby (1919-1996), aujourd’hui, ils permettent à des chercheurs, en économie comme Thomas Piketty ou en philosophie comme Bruno Latour (1947-2022), d’enrichir les débats de société qui nourrissent la démocratie.

Dans l’exercice de leur métier, les éditeurs privés ont toujours à cœur de protéger les droits d’auteur des chercheurs, tout en investissant pour leur proposer des plates-formes numériques performantes. C’est notamment le cas des PME de l’édition scientifique française, en sciences sociales comme en sciences exactes, qui acceptent de prendre un risque financier dans un secteur où le modèle économique reste fragile.

Financement public limité et non pérenne

La deuxième erreur serait de faire dépendre l’édition scientifique du seul financement public que l’on sait limité et non pérenne.

La troisième, enfin, serait de faire le jeu des géants de la tech en leur fournissant gratuitement les contenus sur lesquels seront entraînées leurs intelligences artificielles génératives, dans le seul but d’en tirer un profit financier.

Le paradoxe serait donc d’enrichir Microsoft, Meta ou Google et d’appauvrir les éditeurs privés. En compilant toutes les recherches en « open access », ces IA génératives pourraient être capables, un jour, de devenir elles-mêmes des auteurs de l’édition scientifique sans respecter les règles académiques du monde de la recherche, ni les droits d’auteur.

Le Syndicat national de l’édition avait saisi le médiateur du livre sur la question de l’édition en libre accès. Ce dernier a publié un avis le 13 avril. Il souligne le rôle essentiel des éditeurs scientifiques publics et privés dans la promotion de la recherche en sciences humaines et sociales.

Dans le domaine de l’édition scientifique, l’avis estime que « la politique menée au nom de l’ouverture de la science ne saurait en tout cas faire l’impasse ni sur l’avenir de l’édition scientifique en France ni sur le rôle des éditeurs privés, indispensables au pluralisme et au dynamisme du secteur ». Cette position d’équilibre est, à nos yeux, la seule capable s’assurer la pérennité de l’édition scientifique alors que les mutations des technologies numériques rebattent les cartes à chaque instant. L’ « open bar » n’est pas une solution. »

Vincent Montagne, Président du Syndicat national de l’édition

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