Syndicat national de l'édition

  • Mot du Président

Assemblée générale 2025 – Discours de clôture de Vincent Montagne

Chers collègues,
Chers adhérents,
Chers amis,

Arrivés au terme de notre Assemblée Générale, il me revient à présent le plaisir de vous dire quelques mots de conclusion et de tracer les perspectives des mois à venir.

Je retiens des présentations des présidents de groupes et commissions, auxquels je tiens à rendre un hommage appuyé pour leur engagement, que nous venons de vivre une année particulièrement dense, de travaux engagés et concrets, pour promouvoir l’édition, le livre et la lecture, et adapter le cadre réglementaire aux évolutions du marché, dans un contexte difficile.

Il n’a échappé à personne que la situation économique de la chaîne du livre se tend : les ventes de nos livres sont en retrait, Renaud l’a évoqué tout à l’heure. Le chiffre d’affaires de l’édition a baissé l’an dernier de 1,5%, soit 3% en nombre d’exemplaires vendus. Le premier semestre de cette année confirme, voire accentue cette tendance.

Difficile de ne pas faire le lien entre une conjoncture morose et les menaces identifiées dont nous percevons déjà les effets :  le développement rapide du livre d’occasion qui envahit jusqu’aux étagères d’un nombre croissant de librairies, la prolifération sur certaines plateformes des « faux livres » – ces contenus générés en masse et sans aucun contrôle éditorial par intelligence artificielle, la  circulation débridée de contenus pirates en ligne, la réduction de la part individuelle du Pass Culture, l’évolution préoccupante des pratiques de lecture, en particulier chez les jeunes… impossible de mesurer les impacts respectifs de ces tendances mais une choses est sûre, elles se conjuguent pour fragiliser notre métier.

Dans un contexte de sévère contrainte sur les finances publiques, il ne faut pas trop attendre de l’État si ce n’est, et c’est essentiel, qu’il prenne ses responsabilités en matière de régulation.

À l’heure des prédateurs, magnifiquement dénoncés par Giuliano da Empoli dans son dernier essai, aussi brillant que glaçant, il appartient aux autorités européennes et françaises de mettre en place un cadre équilibré pour l’IA :  un corps de règles applicables et appliquées qui sanctuarise le droit d’auteur et rende effective la capacité des ayants droit de décider ce que peuvent utiliser les opérateurs de l’IA et à quelles conditions.

La pression du ministère de la Culture, pour faire venir à la table des discussions 15 acteurs de l’IA a été déterminante. Nous laisserons toute sa chance à cette concertation, mais qu’il nous soit permis de douter que les 4 séances de travail prévues jusqu’à l’automne soient conclusives sur un modus operandi qui concilie réellement droit d’auteur et innovation. A défaut, et puisqu’ils s’y sont publiquement engagés, les pouvoirs publics auront alors à prendre leurs responsabilités.

Nous faisons notre part, en montrant, à qui en doutait notre détermination absolue à agir, au besoin auprès des tribunaux comme nous venons de le faire à l’encontre de Meta.

Un marché totalement dérégulé pour le plus grand profit des plateformes, c’est déjà la réalité à laquelle nous sommes confrontés avec le phénomène du livre d’occasion.

Le dossier a pris beaucoup de place dans nos travaux et dans le débat public depuis que nous avons décidé de nous en saisir. Nous le savions dès le départ, le chemin sera long et semé d’embuches, juridiques et médiatiques. Notre expérience réussie avec Google fait que nous le savons !

À ce jour, au moins deux acquis : il est devenu impossible à quiconque de se réfugier dans une posture de déni, et notre patient travail de pédagogie à destination des auteurs a marqué un début de mobilisation.

L’actualité du dossier, c’est bien sûr cet avis du Conseil d’État sollicité par le Gouvernement, mais bien au-delà d’une opinion juridique, ce que nous attendons, c’est une mesure de politique publique afin que le développement du marché de l’occasion ne se fasse pas au détriment des acteurs de la création.

Rappelons qu’en leur temps, l’instauration du droit de copie, du droit de prêt puis de copie privée numérique ont répondu à la même démarche et à la même nécessité de préserver la création sans faire obstacle au développement de nouveaux usages. Leurs mises en œuvre, ainsi que celle de la loi de 1981 sur le prix unique du livre, ont toujours procédé d’une volonté politique affirmée en faveur de régulations proportionnées aux mécanismes de marché qui menaçaient les grands équilibres de la filière du livre. Il appartient au Gouvernement d’identifier les instruments juridiques les mieux adaptés pour atteindre cet objectif et nous ne cesserons de le leur rappeler quelles que soient les péripéties juridiques.

Même si le livre d’occasion représente un enjeu majeur, il ne peut, ni ne doit déterminer à lui seul nos relations avec le ministère la culture. Bon nombre de dossiers restent ouverts et portent des enjeux importants pour notre filière.

Une proposition de loi contrat d’édition devrait finir par venir en discussion au parlement, en aboutissement de ce très long feuilleton des négociations de l’accord de 2022 et des discussions qui nous ont tant occupés en 2023.

Au stade du projet, nous sommes parvenus à tenir à distance les dispositions réclamées par les auteurs qui auraient été de nature à déstabiliser l’économie de l’édition, au premier rang desquelles la non-compensation de l’à-valoir. Un débat au parlement s’annonce, probablement à l’automne. Nous serons particulièrement vigilants pour surveiller les amendements qui viendraient détruire cet équilibre. Il nous faudra sans doute rechercher des assouplissements rendant les nouvelles obligations plus soutenables pour les plus petits d’entre nous.

 

Sur ce dossier aussi, nous avions notre part du travail et nous l’avons accompli avec détermination. Au terme de patientes négociations avec les organisations d’auteurs, nous avons posé les fondations d’une instance de médiation qui permettra de dénouer efficacement une large part des litiges qui peuvent survenir dans l’exécution du contrat d’édition. La rédaction d’un guide de bonnes pratiques viendra bientôt parachever l’édifice.

Pour laborieuses qu’elles soient, ces discussions sont essentielles pour faire vivre une relation de confiance avec la frange la plus responsables des organisations d’auteurs.

À cet égard, le projet Filéas a sans nul doute joué un rôle essentiel dans la démonstration de notre détermination à tenir nos engagements. Comme promis, le service a été ouvert à l’occasion du Festival du Livre de Paris, et avec plusieurs milliers d’auteurs inscrits, et pleinement satisfaits, nous pouvons sans fausse pudeur nous féliciter d’un réel succès (et je salue une fois encore la ténacité dont certains ici ont dû faire preuve pour qu’il aboutisse). Un succès qui n’est qu’un début avec la perspective de données de ventes plus réactives, bientôt quotidiennes, plus précises avec des indicateurs sur l’écoulement des stocks afin d’apporter aux éditeurs de précieux outils d’aide aux décisions de tirage. Ces gains de productivité sur la production seront critiques dans le contexte de pression sur les marges que j’évoquais au début de mon propos.

Ne l’oublions pas, Filéas est également porteur de notre mobilisation sur les enjeux environnementaux. S’il est un peu moins dans l’air du temps, le changement climatique ne manque pas d’occasions de nous rappeler que le temps est compté et chacun doit faire sa part. Avec le lancement du programme Chapitres responsables avec ses trois piliers, mesurer-analyser-former, l’édition s’est dotée d’un plan global et cohérent comme peu de secteurs l’ont fait jusqu’à présent. Bientôt, chaque éditeur disposera d’un outil fiable pour mesurer l’empreinte carbone de sa production et piloter sa trajectoire en ajustant les paramètres les plus impactants.

Je voudrais enfin rappeler l’indéniable succès de notre retour au Grand Palais 34 ans après la création du Salon du livre en 1981. Avec 114 000 visiteurs, dont 43% de moins de 25 ans, nous avons réussi notre pari. Merci aux éditeurs qui sont venus de manière massive (450 contre 350 l’année d’avant). Une dizaine de pays étrangers nous ont fait l’amitié de leur présence, et notre objectif est de continuer à développer l’attractivité et le rayonnement de la manifestation. Merci à Pierre-Yves Bérenguer et à toute l’équipe du Festival. La croissance du nombre de partenaires a aussi permis d’attendre l’équilibre financier !

Promouvoir la lecture alors que le temps d’écran ne cesse de progresser, faire découvrir ou redécouvrir le plaisir de la lecture, c’est le sens de la campagne de promotion dont notre syndicat a pris l’initiative avec le concours du Centre national du livre. L’affiche signée par ZEP sera présente durant l’été sur 500 emplacements offerts par JCDecaux avec pour slogan « éteignez votre portable, allumez votre cerveau, lisez ».

Lire à l’abri des écrans en mobilisant son cerveau mais aussi tout son cœur, c’est ce dont nous avons été les témoins émus hier à l’occasion de la grande finale des Petits Champions de la lecture, en présence des deux ministres de la Culture et de l’Education. Au-delà de leur talent impressionnant, ces enfants ont l’immense mérite de nous redonner confiance dans l’avenir. Kendjy, le jeune vainqueur de CM2, originaire de Martinique a été acclamé !

Une illustration également du bonheur de lire en pensant à ceux qui en étaient trop souvent empêchés. Après demain, samedi 28 juin 2025, entre en vigueur la directive sur l’accessibilité du livre numérique. J’ai plaisir à vous le confirmer, grâce au travail accompli au cours de ces dernières années, nous serons au rendez-vous de manière exemplaire. 

Enfin, je me réjouis de pouvoir compter sur le soutien du Bureau et de l’ensemble des membres du syndicat et remercie tous ceux qui sans relâche se consacrent à l’intérêt collectif. Je salue tout particulièrement Nathalie Jouven, de Hachette Livre qui va quitter le Bureau auquel elle a participé de nombreuses années, mais aussi nos présidentes de groupes et commissions sortantes Pascale Le Thorel, Laurence Faron et Virginie Clayssen. Merci à ceux qui s’investissent avec discrétion et efficacité dans nos instances, dans nos groupes et commissions ; et je salue à cet égard le travail énergique et engagé de Renaud Lefebvre qui anime l’équipe permanente du syndicat : les défis sont nombreux et c’est ensemble que nous trouvons les solutions pour défendre nos métiers, dans toute leur complexité.

La beauté du métier d’éditeur est de favoriser l’éclosion des talents et plus encore leur reconnaissance par un public passionné. Notre action rend tangible l’acte de création, lui construit un avenir. Henri Bergson disait : « l’avenir n’est pas ce qui va arriver, mais ce que nous allons en faire ».

Mes chers collègues et amis, le futur de l’édition se construit en ce moment. Dans quelques années, nous regarderons le chemin parcouru avec respect. Au sein de notre syndicat, grâce à vous, nous mettons toute notre énergie, notre passion à le façonner.

 

© Frédéric Berthet

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