Syndicat national de l'édition

Discours de Vincent Montagne à l’occasion du cocktail du BIEF et du SNE – Francfort – 19 octobre 2022

« Monsieur le Président du BIEF, cher Antoine,

Madame la Présidente du Centre national du livre, chère Régine,

Chers collègues, chers amis,

C’est une joie toujours renouvelée de se retrouver ainsi à l’occasion du traditionnel cocktail des éditeurs français à Francfort. Merci d’être si nombreux à partager ce moment avec nous.

La Foire internationale du livre de Francfort est une occasion privilégiée d’échanger avec les professionnels du livre du monde entier eux pour découvrir la vitalité, la richesse et l’innovation de nos productions éditoriales réciproques.

L’enjeu est aussi politique :  à travers les livres, les auteurs, nos langues respectives, il s’agit bien faire voyager et dialoguer nos cultures par-delà les frontières.

Ecrire, publier, diffuser, traduire, et faire ainsi circuler les mots et les idées, c’est défendre le droit à la culture. Et c’est notre devoir.

 « Tout ce qui travaille à la culture travaille aussi contre la guerre ».

  • Cette phrase de Sigmund Freud prend une résonance bien particulière aujourd’hui : Alors que la guerre est aux portes de l’Europe, en Ukraine, à 1500 kilomètres d’ici.
  • Alors que chaque jour, des auteurs, des éditeurs, des journalistes sont victimes de persécutions, emprisonnés, torturés, assassinés pour oser dire, écrire, publier.
  • Alors que le harcèlement et les appels à interdire des livres montent en puissance aussi dans les pays du Nord et notamment aux Etats-Unis…

Il faut encourager et saluer plus que jamais toutes les actions qui contribuent à résister à cette montée de la violence et à ces coups de boutoir contre la liberté de penser et de s’exprimer, contre la liberté, tout court, et contre la vie humaine.

Je pense ici au travail de l’Union Internationale des éditeurs, dont le SNE est un membre actif, qui vient de décerner à la maison d’édition thaïlandaise Same Sky Publishing, le prix Voltaire qui chaque année récompense l’engagement d’un professionnel de l’édition pour la défense de la liberté d’expression.

Je veux saluer également le travail du World Expression Forum, lancé à l’initiative de nos amis norvégiens et dont le SNE est devenu membre cette année. Ce forum nourrit l’ambition de promouvoir et de renforcer la liberté d’expression dans le monde : une agora commune pour toutes celles et ceux qui sont convaincus, comme nous, que cette liberté, et celle de publier, sont l’un des fondements de toute société démocratique.

Saluer enfin les initiatives de la Fédération des éditeurs européens, qui grâce à l’énergie de Anne Bergman, a notamment lancé une campagne de levées de fonds, en solidarité avec nos confrères ukrainiens : une campagne qui a d’ores et déjà permis de recueillir plus de 50 000 euros destinés à distribuer des livres aux enfants réfugiés ukrainiens. Les dons sont toujours bienvenus.

Je vous invite à venir nombreux écouter le message que le Président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a souhaité délivrer à l’attention des éditeurs du monde entier, et qui sera diffusé demain à 12h30 lors du rendez-vous de la FEE.

 

Travailler à la Culture, comme le dit Freud, c’est pour ce qui nous concerne, publier, faire traduire, diffuser des livres ! 

Et dans ce contexte inédit de sortie de crise sanitaire mondiale, force est de constater que l’édition a bien résisté.

J’ai eu l’occasion de le dire, l’année 2021 a été une année totalement hors norme pour l’édition française : 486 millions de livres vendus, en croissance de 15,3% par rapport à 2020. Un chiffre d’affaires des éditeurs français en augmentation de 12,4% ; 17% même hors livres scolaires !

A l’international, l’activité des maisons d’édition françaises a été également extrêmement dynamique : en hausse de 17% par rapport à 2020, près de 17 000 titres ont été cédés. L’édition jeunesse et la Bande dessinée représentent presque 60% du total des contrats de cessions.

Tout ceci est rendu possible grâce au travail des services culturels et chargés du livre dans les ambassades à l’étranger, de l’Institut Français, du CNL et bien sûr du BIEF, de son Président, Antoine Gallimard et de son directeur général, Nicolas Roche, associé à celui de toutes ses équipes.

Tout ceci est également rendu possible grâce au formidable travail des responsables des achats et des cessions de droit dans nos maisons. Un travail dans l’ombre souvent, mais ô combien indispensable.

Permettez-moi de saisir l’occasion qui m’est donnée aujourd’hui pour rendre hommage à notre regrettée collaboratrice, Sophie Castille, directrice des droits étrangers de Mediatoon (groupe Média Participations), qui nous a quittés le 11 juillet dernier. Fidèle parmi les fidèles de la Foire de Francfort, elle a su avec talent, charisme et discrétion porter haut les couleurs de la bande dessinée à l’international. Le monde de l’édition lui doit beaucoup. Nous ne l’oublierons pas.

 

Nous savons tous ici que les traductions de livres donnent une nouvelle vie à un ouvrage. Elles entretiennent et développent un fonds et permettent de promouvoir le travail des auteurs et de leurs idées au-delà des frontières.

Les premières tendances pour l’année 2022 sont moins encourageantes, sensiblement à la baisse (-5% environ) même si bien sûr il est encore trop tôt pour dresser le bilan de cette année.

Quoiqu’il en soit, et malgré l’embellie de 2021, nous devons rester vigilants.

Car structurellement, c’est bien l’accès à la lecture qui doit nous intéresser, voire nous préoccuper.

Jamais la lecture n’a été aussi indispensable pour l’inclusion sociale.

En France, 13 millions d’entre nous n’ont pas accès à la lecture. 2,5 millions de personnes (7 % de la population) sont en situation d’illettrisme dont 60 % sont des hommes.

C’est le sens de notre engagement au sein de l’Alliance pour la lecture, ce collectif de plus de 70 associations, organismes et fédérations qui se sont mobilisés et coordonnés pour candidater et obtenir, ensemble, le Label Grande cause nationale attribué par le Gouvernement  en France.

Difficultés d’accès à la lecture, baisse du temps consacré à la lecture, décrochage de la lecture des plus jeunes sont des sujets de préoccupation majeurs.

Lors du lancement de l’édition 2022/2023 des Petits Champions de la lecture, l’association « VersLeHaut» présentait le seuil du collège en France comme, je cite « la Vallée de la mort pour la lecture » ! Le décrochage de la lecture pour le plaisir est massif à partir de 10/12 ans… 

C’est pourquoi, nous devons être toujours plus imaginatifs dans nos contenus, dans leur mise en scène, dans notre déploiement éditorial. Nous devons garder nos jeunes lecteurs et en trouver de nouveaux !

A ce titre, la vigueur des éditeurs jeunesse est un point d’appui essentiel

Si la promotion du livre et de la lecture est au cœur de nos priorités, nous n’oublions pas les autres défis, nombreux, auxquels l’édition de livres doit faire face.

Les multiples pénuries et hausses des prix des matières premières, du papier, des encres, des colles, de l’énergie, des transports ont déjà aujourd’hui et continueront à avoir demain un impact direct sur notre industrie.

On observe aussi l’émergence des modèles de commercialisation innovants, la montée en puissance d’une nouvelle forme « d’autoédition » et l’on voit des auteurs à succès créer leur propre maison…

De tout cela nous devons tenir compte et veiller à préserver nos modèles et les fondamentaux de notre métier.

  • Continuer à défendre et promouvoir le Droit d’auteur à l’échelle française, européenne ou internationale.

Le droit d’auteur fait toujours l’objet de pressions visant à son affaiblissement. La gratuité, les exceptions sont souvent présentées comme des solutions face au manque de budget des Bibliothèques, en France, au niveau européen, au sein de l’OMPI…

  • Continuer à défendre et promouvoir notre métier d’éditeur et le modèle économique et juridique de l’édition.

Editeurs et auteurs, dans le respect du contrat qui les unit, sont le socle de la filière du livre et l’économie du livre repose sur le succès des ouvrages publiés ! C’est une réalité très concrète. L’économie du succès est notre modèle économique ; un modèle que certains représentants des auteurs en France voudraient remettre en question, en instaurant notamment, tous secteurs éditoriaux confondus, une rémunération minimum garantie non compensable et non remboursable, contrepartie au transfert de droit ou à l’acte de création. Au risque de déstabiliser tous les acteurs de la chaîne du livre et d’administrer la création. Au détriment in fine de la diversité éditoriale.

Sans doute devons-nous mieux faire connaître l’économie générale de notre secteur et les grands équilibres qui régissent notre filière. C’est ce à quoi nous avons commencé à nous atteler avec un groupe d’experts au sein du SNE.  C’est un gros chantier, politique autant qu’économique, absolument nécessaire.

Pour autant les discussions se poursuivent avec les auteurs, et devraient aboutir à la signature, le 24 octobre prochain à une signature, sous l’égide du ministère de la Culture et en présence de la Ministre, d’un accord, dont la portée et les implications viennent compléter la refonte du contrat d’édition de 2014.

Nous aurons aussi à gérer dans les mois à venir :

  • les sujets environnementaux, à l’échelle française et européenne, dont les enjeux sont là aussi autant politiques, industriels qu’économiques et sociétaux, des sujets juridiques et économiques autour notamment de la problématique du piratage pour lequel nous obtenons des succès significatifs en justice, de l’accessibilité, des livres d’occasion, des tarifs postaux… 
  • Poursuivre la refonte de nos outils au service de l’interprofession, tels que le booktracking. Au bénéfice de tous : des éditeurs bien sûr, des libraires naturellement mais également des auteurs, qui pourront avoir ainsi accès à une information plus précise. Un chef de projet vient d’être nommé ; une structure ad-hoc est en cours de constitution….
  • Et bien sûr, toujours Intégrer davantage la petite édition indépendante à tous nos travaux.

De tout cela il sera beaucoup question dans les mois qui viennent.

 

Merci à vous qui vous engagez au quotidien pour défendre le livre et ses valeurs d’ouverture au monde et de diversité.

Je commençais mon discours en rappelant combien un livre, combien la Culture pouvaient être porteurs d’espoir.

Avec le triste décès la semaine dernière du grand intellectuel et historien qu’était Paul Veyne, je relisais quelques-uns de ces textes.

Et je suis tombé sur cette phrase : « Tenir un livre ! Dans l’art hellénistique et dans tout l’Empire romain, les nobles défunts ne sont pas représentés l’épée au côté : c’était la culture qui distinguait »

Tenir un livre plutôt qu’une arme ! si seulement celles et ceux qui aujourd’hui font gronder la guerre pouvaient entendre ce message…

Je vous remercie. »

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