- Communiqué SNE
Réaction à l’avis du Conseil d’État sur le livre d’occasion
Après l’avis du Conseil d’État qui confirme que l’instauration d’un droit d’auteur sur les ventes de livres d’occasion n’est pas contraire au texte de la directive de 2001, le Conseil permanent des écrivains et le Syndicat national de l’édition attendent du Gouvernement et du Parlement une intervention législative ou réglementaire à la hauteur des enjeux pour la création littéraire et la filière du livre. Cette question cruciale pour l’avenir du livre en France, conditionnant sa capacité de renouvellement et l’attractivité de son offre auprès des lecteurs, ne saurait demeurer plus longtemps sans réponse des pouvoirs publics.
Le Conseil permanent des écrivains et le Syndicat national de l’édition ont pris connaissance de l’avis consultatif rendu par le Conseil d’État au Gouvernement sur un dispositif de rémunération des auteurs et éditeurs sur les ventes de livres d’occasion.
Aucune contradiction avec la Constitution ni la Directive
En premier lieu, le Conseil d’État confirme que l’introduction d’une telle rémunération ne contreviendrait ni au principe d’égalité devant la loi, ni au droit de propriété, ni à aucun autre droit garanti par la Constitution.
Le Conseil constate également que « la directive 2001/29/CE, prise à la lettre, ne vise que l’épuisement du droit de contrôle de l’auteur sur la commercialisation ultérieure de son œuvre et non nécessairement celui de la possibilité de percevoir une rémunération à cette occasion ».
Fondant son bref avis sur son interprétation d’un unique arrêt de la CJCE rendu le 20 janvier 1981 (Musik-Vertrieb membran GmbH et K-tel International contre GEMA – Gesellschaft für musikalische Aufführungs- und mechanische Vervielfältigungsrechte), il considère cependant que la règle de l’épuisement des droits « lue à la lumière de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne fait obstacle à création d’un dispositif de droit national ».
Le Conseil permanent des écrivains et le Syndicat national de l’édition s’étonnent que cet obstacle soit une jurisprudence de la Cour de justice prononcée 20 ans avant l’adoption de la directive. À la lecture de cet arrêt, ils constatent que le précédent invoqué concernait à l’époque la « libre circulation des marchandises prévue par le traité CEE » à propos d’importations en RFA de « disques et musicassettes » en provenance d’autres pays du Marché Commun. Le Conseil n’a produit aucune décision postérieure de la Cour, dont la jurisprudence peut de ce fait être considérée comme non établie à ce jour.
Une ferme volonté politique doit désormais s’exprimer
Le Conseil permanent des écrivains et le Syndicat national de l’édition restent dans l’attente d’une mesure de politique publique permettant que le développement du marché de l’occasion ne se fasse pas au détriment des acteurs de la création.
Ils rappellent qu’en leur temps, l’instauration du droit de copie, du droit de prêt puis de copie privée numérique ont répondu à la même démarche et à la même nécessité de préserver la création sans faire obstacle au développement de nouveaux usages. Leurs mises en œuvre, ainsi que celle de la loi de 1981 sur le prix unique du livre, ont toujours procédé d’une volonté politique affirmée en faveur de régulations proportionnées aux mécanismes de marché menaçant les grands équilibres de la filière du livre.
Il est de la responsabilité du Gouvernement de se saisir aujourd’hui de la question du livre d’occasion et d’identifier les instruments juridiques et les véhicules législatifs ou réglementaires adaptés. Le Conseil permanent des écrivains et le Syndicat national de l’édition sont ouverts à l’examen de tout projet de dispositif instaurant une juste rémunération des auteurs et des éditeurs sur les ventes de livres d’occasion.