- La parole à...
Interview de Héloïse d’Ormesson, présidente du groupe Littérature

C’est bientôt la rentrée littéraire 2025 ! À cette occasion, nous remercions Héloïse d’Ormesson, présidente du groupe Littérature du Syndicat national de l’édition, d’avoir répondu à nos questions.
La rentrée littéraire est un moment très attendu de tous ; comment percevez-vous son impact sur le lien des Français avec la lecture ?
Triathlon, course d’obstacle, saut à la perche ? Pour l’auteur, la rentrée littéraire s’apparente à une compétition sportive qui suppose préparation psychologique et physique, tandis que pour l’éditeur, il s’agit du lancement millimétré d’une fusée spatiale, qui n’est réussi qu’une fois les différents modules largués et la mise sur orbite atteinte. Pour les deux, endurance, précision et pugnacité sont de rigueur. L’objectif final étant de rencontrer les lecteurs. Nombreux.
Avec plus de 500 appelés, la concurrence est rude, et ce championnat en quatre manches semées d’embûches, d’espoirs et d’abandons s’achève par un succès pour une poignée de livres seulement. Il n’empêche que la rentrée, en dépit des risques, reste un tremplin de choix pour les textes littéraires en majesté sous les feux de la rampe. D’où le nombre de prétendants à cette course hasardeuse.
L’affaire débute dès le printemps, où l’effervescence monte chez les éditeurs qui affûtent textes et arguments avant d’entreprendre la ronde des présentations qui va les conduire aux quatre coins de l’hexagone pour défendre leur programme et distribuer plus d’une centaine d’épreuves aux libraires. Ensuite, ces passeurs essentiels défrichent la production et distribuent leurs précieux coups de cœur, telles des médailles sous forme de post-it multicolores. En résulte des sélections qui donnent la première tendance des romans qui vont compter, former les piles les plus hautes sur table et ainsi se détacher aux yeux du public désireux de découvrir la crème de la saison.
Puis vient le temps de l’envoi des services de presse dans les rédactions. Au fil de l’été, les confirmations d’articles, de chroniques, d’invitation sur les plateaux confortent les chances pour certains de gravir le palmarès des ventes. Les médias intronisent les talents, les influenceurs couronnent leurs favoris et ces prescripteurs portent à l’attention des lecteurs, impatients d’être initiés, les titres indispensables.
Les salons et foires du livre s’invitent alors dans la danse. Et gare à ceux qui ne font pas étape à Nancy, Besançon, Le Mans, Angoulême, Toulon, Brive (cette liste est loin d’être exhaustive), où l’on se doit de participer pour assoir sa notoriété et gravir les échelons de la compétition. Là encore, les places sont chères et la sélection sévère pour atteindre le public curieux et attentif qui se pressent à ces fêtes.
Enfin, les prix littéraires de l’automne constituent le graal en auréolant de leur prestige les fameux élus. Comment retenir l’attention des jurés, ensevelis sous l’avalanche de titres ? La question reste mystérieuse, même après des décennies de pratique. Une chose est sûre : être ceint des célèbres bandeaux assure la renommée et des ventes décuplées.
Jeu de massacre ? Saine émulation ? La rentrée littéraire apporte son lot de surprises, de déceptions, de ravissement et, surtout, de joie. C’est un moment unique où le livre est à l’honneur, au cœur de l’actualité, au centre des préoccupations. Tradition purement française, ce rituel codifié capte l’attention du pays, soudain tournée vers ses écrivains et leur littérature.
Quels sont les grands enjeux du groupe Littérature que vous animez ?
En cette période de transition et de défis multiples pour la filière du livre, le groupe Littérature offre un espace de réflexion collective qui nous paraît plus nécessaire que jamais, afin de nourrir le dialogue interprofessionnel et de nous doter d’une vision stratégique. Au cœur de nos préoccupations demeure la trilogie auteur, libraire, lecteur, indissociable de l’éditeur, que nous efforçons de faire prospérer.
Avez-vous des recommandations particulières pour cette rentrée ?
Dès la fin août, courez en librairie et laissez-vous guider. Vous découvrirez les trésors que réserve cette rentrée, abondante et ouverte estiment tous les professionnels. Vous échapperez ainsi au quotidien binaire, brutal et étriqué et accèderez, au fil des pages, à un monde nuancé, ample et limpide. En d’autres termes, oxygénez-vous l’esprit, émancipez-vous : lisez !