La lecture est une de nos priorités : soyons volontaristes
La promotion de la lecture fait partie des engagements du SNE : voilà pourquoi nous encourageons une politique volontariste auprès des citoyens et des politiques.
La lecture est une de nos priorités : soyons volontaristes
Le livre : une bouffée d’air dans un monde en perpétuel mouvement
Nous vivons une rupture de civilisation, où l’homme contemporain, ultra-connecté, est de plus en plus absorbé par un monde d’écrans, d’images et d’écrits fragmentaires, et où il a de moins en moins de temps à consacrer à la lecture de livres.
En même temps, face à ce flux continu d’informations et d’opinions disparates, le livre représente encore un point d’ancrage et un facteur de confiance. Face au bruit assourdissant de la Toile, le livre nous offre ce moment de silence, de solitude et d’intériorité, qui fait figure désormais de luxe.
Selon la philosophe Myriam Revault d’Allonnes, « lorsqu’on se met à lire, on se débranche du monde extérieur. Or, l’homme contemporain n’aime pas se sentir ainsi déconnecté. J’entends déplorer fréquemment que les élèves ne lisent plus. Ou, plus souvent encore, qu’ils ne savent plus lire un livre du début à la fin, et se satisfont de fragments. Mais la lecture fragmentée n’est pas liée simplement à l’existence autour de nous des écrans qui nous sollicitent en permanence. Elle s’explique plus profondément par le rapport qu’entretient l’individu contemporain avec le temps – ce qu’on appelle le “présentisme”, à savoir la prégnance de l’instant, de l’immédiateté, l’appréhension du temps comme une succession de moments au détriment de la prise en compte de la durée, de l’existence du passé et de l’avenir. Cette incapacité à envisager la longue durée affecte fatalement la pratique de la lecture, qui est à la fois de l’ordre de la mémoire et du projet. »
Lecture : nécessaire état des lieux
La dernière étude publiée par le Centre national du livre nous apporte un éclairage sur l’état des pratiques de lecture en France et nous permet de mesurer l’attachement des Français au livre.
La lecture, une pratique encore largement partagée aux pratiques diversifiées
La lecture des Français
86 % des Français se déclarent spontanément lecteurs, et 89% ont dans les faits lu au moins un livre en 2023 (-3 points par rapport à 2019). Ils lisent en moyenne 22 livres par an (17 livres au format papier et 5 au format numérique), contre 18 en 2021. 49% des lecteurs lisent tous les jours ou presque.
De nouvelles pratiques de lecture
La lecture au format papier progresse à nouveau après une forte baisse entre 2019 et 2021, en particulier chez les moins de 34 ans sans toutefois retrouver son niveau de 2019, avant crise sanitaire. La lecture au format numérique connait une grande progression, notamment chez les moins de 25 ans, forte d’un effet générationnel.
30% des Français ont déjà écouté un livre audio, dont 13% en 2023, principalement les grands lecteurs et les moins de 35 ans.
Les alternatives à l’achat de livres neufs se développent, principalement chez les grands lecteurs. Les achats d’occasion affichent une augmentation de 14 points par rapport à 2015 et de 6 points par rapport à 2021. Les librairies et grandes surfaces culturelles restent les principaux lieux d’achat, mais la vente en ligne progresse (+10 points depuis 2021).
Des genres divers
Les Français plébiscitent les livres pratiques, arts de vivre et loisirs, ainsi que les livres d’histoire. La lecture de bandes dessinées est par ailleurs en hausse auprès de toutes les tranches d’âge (+14 points depuis 2021), particulièrement chez les moins de 25 ans chez qui elle occupe une place nettement plus importante.
Les motivations
79% des lecteurs lisent principalement pour leurs loisirs (+ 9% en 2021). Approfondir ses connaissances et l’ouverture au monde sont les deux principales motivations des lecteurs (respectivement 99% et 98%), suivi de près par l’envie de se faire plaisir, de s’évader et de se détendre. Chez les moins de 25 ans, approfondir ses connaissances et se faire plaisir sont les principales motivations.
Un fort attachement au livre
L’attachement des Français au livre demeure très fort. Le livre, synonyme de pérennité et de transmission, reste un pilier de notre culture. L’originalité de l’étude est d’avoir posé des questions sur le rapport intime des Français au livre : les résultats sont un véritable plébiscite. La lecture et ses valeurs font l’objet d’une adhésion rarement observée : 93% des Français associent au moins un avantage à la lecture, pour qui elle est bénéfique. Ainsi, 99 % estiment que le livre est un moyen d’approfondir ses connaissances, 98% qu’il permet une ouverture d’esprit et 96% y voient un moyen de se faire plaisir.
Le principal frein à la lecture : le manque de temps
68% des Français aimeraient lire davantage (+11 points depuis 2021). La principale raison de ne pas lire davantage est le manque de temps disponible pour 78 % de ceux qui aimeraient livre davantage, et la préférence pour d’autres loisirs pour 61% d’entre eux, parmi lesquels écouter de la musique et sortir avec des amis sont les principales activités. Chez les non-lecteurs, la préférence pour d’autres loisirs est la principale raison de ne pas lire (81%) ; mais le manque de temps arrive en deuxième position (69 %). 65% des non-lecteurs lisent autres choses que des livres (presse, blogs, contenus multimédia) et 58% ne ressentent pas le besoin de lire.
Culture du livre, culture des écrans : la nécessaire complémentarité
Selon l’étude du CNL, le volume global de temps consacré aux écrans (télévision, ordinateur, smartphone, tablette) est de 3h14 par jour (22h38 heures par semaine), contre 41 minutes par jour (4h47 par semaine) passé à lire des livres, dont les livres numériques. L’avis de l’Académie des Sciences, L’enfant et les écrans, (Jean-François Bach, Olivier Houdé, Pierre Léna, Serge Tisseron, Le Pommier, 2013) est sans équivoque : il est essentiel d’alterner les pratiques, entre culture du livre et culture des écrans, qui sont complémentaires. Cette alternance amplifie les bénéfices de l’une et de l’autre.
Du point de vue cognitif, le livre a en effet des vertus spécifiques : développement de la pensée linéaire, organisée autour de relations de temporalité et de causalité, de la narrativité construite sur une logique de succession ; développement de la mémoire événementielle, c’est-à-dire de long terme. Le livre est ancré dans le temps et développe cet ancrage, il favorise l’attention, la pensée d’une tâche unique qui doit être menée à son terme, et réalisée le mieux possible, dans un idéal de perfection. La culture du livre aide à prendre du recul, à développer un sens critique individuel.
Les réseaux sociaux constituent un véritable levier pour inciter les moins de 35 ans à acheter un livre ou à lire davantage, fréquentés par 80% d’entre eux et dont le temps moyen passé par jour devant un écran est de quatre heures.
Lutter contre la fracture de la lecture en donnant le goût de la lecture
Selon l’enquête PISA 2018, la France se situe au-dessus de la moyenne des pays de l’OCDE en matière de compréhension de l’écrit. Cependant, depuis 2009, les profonds écarts se sont stabilisés en France : en 2018, 21 % des élèves se situent sous le niveau 2 de l’échelle de compétences, soit le niveau à partir duquel les élèves commencent à être capables d’utiliser leurs compétences en lecture, à acquérir des connaissances et résoudre des problèmes pratiques. Dans les pays de l’OCDE, cette part s’élève en moyenne à 23 %, soit au-dessus. De plus, en France, les élèves issus de l’immigration sont 2,5 fois plus susceptibles de ne pas atteindre le niveau 2 en compréhension de l’écrit que les élèves autochtones.
Or, la difficulté à lire est fortement corrélée avec le niveau socio-économique et culturel des familles, et emporte inévitablement d’autres contre-performances, scolaires et professionnelles. Ainsi, la France est l’un des pays où la différence de résultats entre les élèves favorisés et les élèves défavorisés est la plus marquée, bien au-dessus de la moyenne des pays de l’OCDE[1].
« Cette « fracture de la lecture » doit être combattue par des politiques volontaristes en faveur de la lecture. Il n’y a pas de fatalité. La lecture doit rester une priorité, au-delà de l’année 2021 où elle a été déclarée « grande cause nationale ». Les pouvoirs publics doivent faire du livre à l’école une priorité nationale. Le manuel scolaire est parfois le seul livre présent au sein d’un foyer. Or, on constate à chaque réforme que les équipements ne sont pas complets. Lors de la dernière réforme du collège en 2016, il a manqué 2,5 livres par collégien, faute de financement suffisant de l’État. En 2019, lors de l’entrée en vigueur de la réforme des lycées, l’achat des manuels par les régions n’a pas permis, dans certains territoires, d’équiper tous les lycéens, en particulier de la voie professionnelle.
Parce qu’il est essentiel de donner le goût de lire aux enfants, en particulier à ceux qui ne sont pas familiers des livres, le SNE a lancé dès 2012, en partenariat avec le ministère de l’Education nationale, un grand jeu de lecture à voix haute, les Petits champions de la lecture. Depuis lors, cette opération n’a cessé de s’étendre à travers tout le territoire. Plus de 125 000 enfants en classe de CM1 et de CM2 ont participé en 2023, venus de toute la France y compris les Drom.
[1] 107 points d’écart de score en compréhension de l’écrit en France contre 89 pour la moyenne de l’OCDE.